Je pense être nul en mathématiques, c'est grave docteur ?


Vous pensez être nul en mathématiques ? Vous ne cessez de dire en boucle : "Je suis nul en math" ?

1. Première réponse : bravo !

C'est le signe que vous faites preuve d'une belle lucidité !

En dehors de quelques génies mathématiques, nous sommes tous très nuls dans ce domaine ... comme en bien d'autres champs du savoir humain.

En mathématiques, plus qu'ailleurs, c'est encore plus facile d'être nul : l'étendue des résultats obtenus est telle qu'il faut non seulement faire preuve d'aptitudes exceptionnelles mais encore être capable d'abattre un travail colossal pour espérer maîtriser le moindre pan mathématique.

La nullité en mathématiques est donc le lot du commun des mortels.

Le reconnaître et ne pas s'en désespérer (ou ne pas s'enorgueillir de cela) est le signe d'un caractère humble en bonne voie vers la sagesse. L'essentiel est d'essayer de ne pas s'arrêter en chemin. Le plus sûr moyen : ne pas considérer le savoir comme un avoir mais comme une possibilité de plus-être.


2. Deuxième réponse : pensez-le tant que vous voudrez mais ne le dites pas !

Que vous soyez parent, grand-parent ou un tiers en charge de l'instruction d'une jeune pousse ou d'un adulte en cours de formation, gardez votre sentiment de nullité pour vous-même afin d'éviter que votre élève ne perde confiance en vos capacités ou, pire encore, qu'il se décrète d'emblée inapte aux mathématiques pour des raisons génétiques, des motifs familiaux ou par atavisme !

On voit beaucoup trop d'élèves qui renoncent à faire quelque effort d'apprentissage sous prétexte que dans leur famille, tout le monde se dit nul en mathématiques. 


3. Troisième réponse : attention à ne pas confondre "nullité en mathématiques" et "paresse intellectuelle" ou "manque de curiosité" !

L'appétit vient en mangeant dit-on. Si vous décrétez n'avoir aucun goût pour une matière qui met en relief vos difficultés à évoquer, comprendre, mémoriser, réfléchir ou imaginer, vous vous enfermez dans un cercle vicieux : en délaissant son étude, vous ne faites qu'aggraver la situation. 

Quand l'argument de nullité devient le paravent commode de l'inappétence, de la paresse, du manque de courage ou du déplaisir, il y a péril en la demeure. Le risque est grand d'aller de frustration en frustration par l'oubli d'une loi fondamentale de tout acte d'apprentissage : la joie ne peut naître que d'obstacles surmontés ou d'épreuves affrontées avec audace. 

Au début de toute transformation, de tout changement d'état, je dois faire preuve d'une énergie capable de vaincre l'inertie acquise. J'ai intérêt aussi à me souvenir d'une autre loi : celle du plaisir différé. A trop chercher une satisfaction ou une gratification immédiate, je risque fort de passer à côté de joies intenses, profondes et durables, celles qui naissent d'une accumulation d'obstacles surmontés avec courage et détermination.

Là encore c'est notre lot commun : nous consommons notre temps à passer d'un état de nullité à un autre état de nullité. Nous nous désespérons et nous nous effondrons quand notre regard s'en tient à des considérations d'état. Le plus important est d'observer le mouvement, la mise en action. Se focaliser sur l'état serait pour un grand sportif n'avoir d'yeux que pour les temps d'arrêt, les moments de repos, les défaites, les instants de consécration, ... et passer sous silence, oublier, négliger ... toutes les périodes d'action.

Une règle d'or : chercher le plaisir d'acte et non le plaisir d'état. En l'occurrence, ne pas vouloir être un caïd en mathématiques (voire un génie) mais chercher à progresser avec ardeur et enthousiasme. Non pas vouloir atteindre un sommet mais se réjouir d'être en route vers les cimes.

4. Quatrième réponse : et si, au lieu de m'échiner sur le comment, je cherchais, au moins de temps en temps, à me pencher sur le pourquoi des mathématiques, sur leur histoire, sur ma propre histoire mathématique et, plus largement, sur les idées qui ont présidé au développement d'une science très ancienne ou bien sur les événements qui ont suscité ou permis de nouvelles avancées.

Par tempérament (à corriger grâce à l'acquisition de vertus qui forgent un caractère), je peux en effet avoir du mal à saisir le comment d'une méthode (d'analyse, de calcul, de déduction, de construction ...) (*) alors qu'il me serait beaucoup plus aisé de travailler son esprit, sa raison d'être.

(*) Lorsque mon esprit renâcle dès qu'il est question de méthode, prendre le temps de regarder si je n'éprouve pas des difficultés à suivre un cheminement par étape dans le bon ordre et avec suffisamment de souplesse pour rester capable de me détendre après chaque montée de marche afin de ne pas m'épuiser en contractions et tensions permanentes. Demeurer particulièrement attentif aux éléments de transition qui relient chaque étape à la précédente et à la suivante afin de parcourir l'ensemble du chemin requis et non pas sauter à pieds joints par-dessus des étapes cruciales. Repérer donc les articulations et les étapes saillantes. Toujours avoir en mémoire le nombre d'étapes, l'objet de chacune d'elles et leur raison d'être.

En règle générale, élucider ce premier problème : qu'est-ce qui, sur un thème mathématique donné voire sur l'ensemble des savoirs mathématiques, fait obstacle à ma progression ? Qu'est-ce qui me rebute ? M'effraie ? Me bloque ? ...

Ce peut être parfois un souvenir très douloureux : une parole de condamnation, de dénigrement, ... un échec cuisant ... une honte publique ... un sentiment de désespoir lancinant ... une incompréhension ... un malentendu ... Comme rappelé ci-avant, ce peut être aussi un défaut d'organisation cérébrale qui m'empêche de réussir certaines tâches. 

Ce dernier point mérite d'être explicité : la réalisation de toute tâche complexe implique une succession de réussites élémentaires. D'un point de vue sommaire, la réalisation de toute tâche complexe se présente donc comme une SOMME de tâches élémentaires. Cette approche est trompeuse et conduit souvent vers le découragement ou la passivité. Il me faut voir les choses sur un autre plan : celui des compétences requises pour effectuer l'ensemble des tâches attendues. Je m'aperçois alors que la compétence globale n'est pas une somme de compétences mais un PRODUIT de compétences : il suffit que l'une des compétences élémentaires soit nulle pour que le produit soit nul. Tant que manque la maîtrise complète de chaque compétence élémentaire, je m'échine en vain si je ne prends pas le temps d'analyser où ça cloche. J'accumule, oui, des résultats intermédiaires mais je n'arrive pas jusqu'au bout.

5. Cinquième réponse : ne pas m'en tenir à mon état de nullité en comprenant que toute progression en mathématiques engendre de nombreux bénéfices. 

Le premier bénéfice est immédiat : convertir mon regard en le tournant vers de nouveaux horizons et retrouver le goût de conquérir.

D'autres bénéfices que nous détaillerons ultérieurement ont trait à la mobilisation de mes facultés cognitives : en étudiant les mathématiques, je vais solliciter des aires cérébrales endormies dont le réveil profitera à l'ensemble de mes capacités. 

Comme indiqué à la fin du point 4, si je prends le temps d'analyser mes défaillances et mes erreurs, je vais finir par identifier des compétences élémentaires qu'il me faut absolument rôder avant de pouvoir enchaîner des réalisations intermédiaires qui, mises bout à bout, me permettront de franchir des obstacles qui me paraissaient insurmontables jusqu'à présent.

6. Sixième réponse : prendre le temps de chercher un bon guide comme pour toute démarche d'importance. L'acuité de son regard m'aidera à identifier les efforts prioritaires et principaux à fournir.

7. Septième réponse : sortir à toutes jambes de l'esprit de compétition qui jauge mes capacités mathématiques à l'aune de comparaisons qui n'ont pas lieu d'être. Mes capacités ne s'apprécient pas en tenant une comptabilité de notes qui me situeraient en queue de peloton. Quitter la compétition pour entrer dans un mouvement où je cherche simplement à me surpasser, à faire aujourd'hui mieux qu'hier sur de multiples plans : en terme de rapidité sur un sujet précis ; en élargissant le champ de mes explorations ; en découvrant donc d'autres domaines d'étude ; en intégrant davantage mes savoirs mathématiques dans la résolution de problèmes divers ...

8. Huitième réponse : situer les mathématiques à leur juste place. Certes un outil précieux pour démêler la complexité du réel mais un instrument limité qui ne couvre qu'une partie du spectre des réalités du monde visible et invisible.

9. Neuvième réponse : apprendre à décrypter le rôle des mathématiques dans l'exploration de l'invisible de prime abord. Tandis que l'oeil humain, notre oreille et l'ensemble de nos sens s'attachent d'abord aux aspects les plus saillants des phénomènes, notre recherche des vérités ultimes suppose de partir en quête de ce qui n'apparaît pas d'emblée et les mathématiques nous aident dans ce travail de fond ne serait-ce que par la mise en mouvement de nos facultés d'analyse et par la nécessité qu'elles imposent d'un développement séquentiel quand nous cédons à la tentation facile d'une impression d'ensemble censément grossière et inexacte.

A suivre ...

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