Les mathématiques, la force de la première impression


1. "Le jeu en vaut la chandelle" disions-nous. De la lumière à la cire, il n'y a qu'un pas. Vendre la mèche  ? Non ! L'offrir : la réussite en mathématiques est fortement tributaire, aujourd'hui, dans le système scolaire français, de la première impression, des premières impressions enfantines.

2. Force est de constater que ces premières impressions enfantines ont un retentissement capable de se prolonger jusqu'au terme d'une existence, tantôt vouée à la passion des mathématiques, tantôt à leur exécration et, le plus souvent, entre ces deux extrêmes, à une indifférence polie, voire craintive à leur égard !

3. Comme en toute matière, comme en tout domaine touchant à l'anthropologie, d'heureuses ou de pitoyables exceptions ne manquent pas de se produire : tel enfant, tel adolescent qui paraissait mal parti en mathématiques finit par s'en sortir haut la main tandis que tel autre, d'abord attiré par les mathématiques, se trouve soudain rebuté ou paraît laisser se dilapider le capital de sympathie qui lui aurait permis d'aller loin. Mystère de la destinée humaine. Mystère des rencontres, des circonstances, des processus d'apprentissage ...

4. Nous ne traiterons pas ici le champ des exceptions, terrain d'étude pourtant non négligeable qui peut conduire de l'analyse de cas singuliers - réussites exemplaires ou destins tragiques contredisant les premières impressions - à la découverte de lois pédagogiques et didactiques de grand intérêt. Signalons au passage que c'est ainsi qu'Antoine de la Garanderie a su mettre au jour les principes de la gestion mentale et, en l'occurrence, en choisissant de s'intéresser aux réussites exemplaires (non nécessairement en contradiction avec les premières impressions), option tout à fait remarquable et féconde.

5. Plus modestement, alors que le domaine d'exploration est beaucoup plus vaste, nous allons nous intéresser à la question des premières impressions en suivant le fil proposé par Olivier Clerc dans l'allégorie de la cire chaude.

6. Reprenant et adaptant le fameux avertissement attribué tardivement à Platon pour l'apprentissage de la philosophie : "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre", nous pourrions construire ceci : "Nul n'entre en mathématiques sans enthousiasme", sans une sortie de lui-même, sans faculté d'émerveillement, sans avoir été, d'abord ou un jour heureux, fasciné, happé, saisi par leur beauté.

7. Qu'en est-il alors de la foule innombrable de ceux qui au cours de leur enfance ou de leur adolescence se sont fermés à cette beauté ? Question beaucoup plus épineuse qu'il n'y paraît car le risque est grand d'y répondre à la hâte et d'oublier l'immense variété des cas de figure prise, là encore, entre deux extrêmes : d'une part ceux qui ont tiré de cette fermeture des atouts maîtres ; d'autre part, ceux qui en sont demeurés profondément blessés.

8. Nous demandons ici aux lecteurs indulgents de nous accorder la permission de nous pencher en premier lieu sur ceux qui sont proches du second extrême : la souffrance. Ceux qui ont bien vécu la fermeture aux mathématiques constituent néanmoins un cas d'espèce qu'il vaut la peine d'étudier avec soin : ces personnes peuvent avoir développé une attitude ambivalente à l'égard des mathématiques et quand elles sont à la tête d'un établissement scolaire, responsable d'un service en entreprise ou dans l'administration, ... se montrer fort handicapées dans leur relation aux phénomènes dans lesquelles les mathématiques ont un rôle à jouer. Le handicap peut même aller jusqu'à la mise en oeuvre de stratégies de revanche qui n'honore pas leur fonction et qui révèlent en creux ce qu'une mauvaise assimilation des mathématiques peut engendrer de coups tordus, d'imbécillités, d'erreurs de jugement quand elles ne provoquent pas des drames. Nous nous pencherons ultérieurement sur cet extrême-là car ce que nous tirerons de cette exploration complémentaire nous permettra de remédier aussi aux situations qui sont l'objet de notre première préoccupation : sortir d'un état de souffrance mathématique préjudiciable à l'avenir de nos enfants et de tous nos contemporains blessés par un parcours mathématique qui obère gravement leur travail, leurs facultés d'apprentissage, leur destin professionnel et leur vie familiale.

9. Comment sortir de l'état de souffrance mathématique ? Question d'importance capitale que d'admirables pédagogues ont eu le courage d'affronter pour venir en aide, au cas par cas, à des personnes venues les consulter ou qui ont eu accès, par Providence, à l'un  de leurs ouvrages. Nous ne pourrons faire mieux que d'inviter ceux qui sont attirés par cette voie à consulter la bibliographie et la liste des références que nous allons bâtir pour eux.

10. Ce choix nous conduit à traiter le problème suivant : "Comment éviter, s'il est possible, cet état de souffrance mathématique pour nombre de nos enfants ?" sans pour autant briser le rôle d'aiguillon que peut jouer la rencontre d'une résistance, d'une difficulté passagère, d'un obstacle à dépasser, autre point de vigilance fort bien mis en lumière par une autre allégorie inventée par Olivier Clerc : le cocon et le papillon.

11. Au terme de cette première étude, nous serons plus à même de proposer des voies de progrès destinées à tous les adultes qui souhaitent développer leurs capacités mathématiques ou qui auraient intérêt à le faire pour quantité de raisons que nous énoncerons le moment venu.

12. Tout lecteur attentif n'aura pas manqué d'observer que, chemin faisant, nous avons quelque peu renverser l'ordre de priorité : "charité ordonnée commence par soi-même" puisque nous avons choisi de nous préoccuper d'abord de l'avenir de nos enfants, soit, en dernière analyse, de nous montrer pleinement adulte. Quoi de plus important, en tant qu'adulte, de développer une relation saine à l'égard des mathématiques (du savoir et des théories plus généralement) afin qu'en tant que parent ou tierce personne nous soyons davantage en mesure d'accompagner chacun de nos enfants sur le chemin ardu, sur les lignes de crête, dans les abysses que ne manque pas de faire apparaître toute plongée dans les eaux mathématiques et toute ascension vers des sommets de la pensée ?

13. La défiance à l'égard des théories se pare trop souvent des oripeaux d'une sagesse à bon compte : "rien ne vaut la pratique" affirment ceux que rebute toute plongée en territoire trop abstrait comme si la théorie n'apportait aucune lumière, aucun éclairage. Vision caricaturale des bienfaits de la pratique ! Oui, certes, la mise en application, même sans aucun bagage théorique est irremplaçable mais tout esprit de bonne foi se rend compte, au bout d'un certain temps, que faute d'une prise de recul suffisante, sa pratique finit par rencontrer des limites que seul le courage d'une approche théorique parvient à dépasser.

14. Les mathématiques par leur construction systématique, offrent un support sans pareil pour fonder des théories efficaces. D'une part, elles montrent le chemin très sûr des édifices axiomatiques, d'autre part elles fournissent un langage d'une précision et d'une concision remarquables.


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